Tio Soldat ou l’histoire d’une disparition

Aujourd’hui, retour à Fressain pour vous raconter l’histoire d’Isidore VILLARUBIAS, qui porte le même nom que son grand-père venu d’Espagne.

Je me suis intéressée à lui après avoir trouvé cet article :

Je suis donc allée chercher son acte de décès, et je l’ai effectivement retrouvée à la date du 12 septembre, où deux de ses frères, Jean Louis Hilaire et Auguste Joseph Villarubias déclarent qu’il a été retrouvé mort au lieu dit « La Fabrique ». L’acte ne m’apporte malheureusement pas beaucoup plus d’information …

La Fabrique est le nom donné par les anciens à la sucrerie Lanvin.

Je me suis donc penché sur sa vie pour essayer d’en apprendre un peu plus.

Son enfance

Il est le fils ainé d’Auguste, qui est alors tisserand et de Victoire PROUVEZ journalière. Ses parents ont respectivement 20 et 19 ans et Isidore Auguste Joseph nait 4 mois seulement après leur mariage, le 9 novembre 1848.

Après lui, les grossesses s’enchainent pour Victoire, elle donnera naissance à 9 autres enfants, dont 7 survivront. La fratrie comptera donc 6 garçons et 2 filles, et Isidore aura 19 ans d’écart avec son plus jeune frère Auguste.

On imagine que dans cette famille nombreuse et rurale, Isidore commencera à travailler tôt.

Son mariage

A l’âge de 29 ans, quelques jours après Noël, le 29 décembre 1877, il épouse Catherine MARBOTIN. Celle-ci a 12 ans de moins que lui et est donc âgée de 16 ans le jour de leur mariage.
Elle est née à Émerchicourt (village à 5 km de Fressain), mais sa famille est originaire de Fressain et elle y a vécu une partie de son enfance.
Son père Désiré était journalier à Fressain et est décédé 2 ans plus tôt, laissant sa mère Victoire LETENEUR (également journalière) avec 6 enfants, ce qui explique peut-être pourquoi Catherine se marie si jeune.

Au mariage, les parents d’Isidore sont présents (son père Auguste est d’ailleurs l’un des seuls à savoir signer), ainsi que son frère Adolphe, âgé de 24 ans et son oncle maternel Philibert PROUVEZ. Du côté de Catherine, sa mère est là, tout comme deux de ses oncles Jean-Baptiste et François LETENEUR.

Les deux mariés, comme la plupart des témoins, ne savent pas signer.

Les enfants

Le jeune âge de Catherine lors de son mariage ne semble pas être expliqué par une grossesse puisque leur premier enfant arrive 11 mois après. Le couple aura 10 enfants, entre 1878 et 1900. Malheureusement beaucoup d’entre eux décéderont en bas âge.

  • Rose décédée à 6 ans
  • Arthur décédé à 5 mois
  • Arthur décédé à 2 ans
  • Marie Rose décédée à 3 ans
  • Victoire
  • Pulchérie décédée à 10 mois
  • Charles décédé à 4 mois
  • Marie Rose décédée à 2 mois
  • Henri décédé à 7 mois
  • Louise

En étudiant les différentes naissances, Isidore y est toujours noté comme journalier et Catherine comme journalière ou ménagère.
Le couple déménage beaucoup, les enfants naitront rue du Faubourg, rue de la Cour d’Argent, rue de la Fontaine, rue de la Chapelle, rue du Calvaire et rue du Petit Coin. Sur un village avec seulement 12 rues, ils sont passés dans une grande partie d’entre elles.

Pour la plupart des naissances, Isidore est accompagné par l’un de ses frères pour faire la déclaration.

Cependant pour l’avant dernier, Henri, il est cette fois-ci accompagné de l’instituteur et du garde-champêtre Émile LALOTTE. Ses frères n’étaient-ils pas disponible ? Étaient-ils en moins bon terme ?

Enfin c’est le dernier acte de naissance qui me réserve encore plus de surprise. Lors de la naissance de Louise, le 5 aout 1900, c’est cette fois-ci le garde champêtre Émile LALOTTE qui déclare la naissance, et Catherine a accouché dans la maison d’Émile Garçon ! Et les frères d’Isidore ne sont encore une fois plus mentionnés.

Un doute m’assaille et je retourne voir quand Isidore à disparu :

Mais non, sa disparition date bien de novembre 1901, soit plus d’un an après la naissance de Louise ! Mais alors pourquoi Catherine a t’elle accouchée chez cet Émile Garçon ? Et Louise est-elle la fille d’Isidore (comme noté sur son acte de naissance) ou celle d’Émile ?

Je découvre également à cette occasion que Isidore se faisait appelé Tio Soldat. Je n’ai pas d’explication sur ce surnom, s’il se rapporte à un passé militaire, il doit s’agir d’avant son mariage puisqu’il n’en ai jamais fait mention dans son acte de mariage ou dans les actes de naissance de ses enfants.
Il pourrait s’agir de la guerre Franco-Allemande de 1870-1871 ou de la commune de Paris, malheureusement je n’ai pas plus d’information.

Et après ?

Un an après le décès d’Isidore (et 2 ans après sa disparition), Catherine se remarie à Fressain avec Émile Garçon, le 19 novembre 1903. Aucun membre de la famille d’Isidore n’est présent au mariage, par contre le garde champêtre Émile Lalotte, est une nouvelle fois présent, et on apprend qu’il est le cousin d’Émile Garçon.

Émile Garçon est originaire de Monchecourt. A 22 ans il épouse à Fressain Marie-Thérèse VILLAIN avec qui il aura 5 enfants entre 1885 et 1895 qui atteindront tous l’âge adulte. Cependant le 24 avril 1896, Marie-Thérèse meurt à l’âge de 34 ans, laissant son époux avec leurs 5 enfants âgés de 11 à 1 ans.

Je ne sais pas à quel moment Catherine et Émile se sont rapprochés, cependant en 1900 lorsque Louise la dernière fille de Catherine nait, cette dernière à l’air de déjà habiter chez Émile.

La nouvelle famille avec les 7 enfants va ensuite déménager à Waziers, à 15 km de Fressain, au nord de Douai.
Victoire l’ainée des filles survivantes d’Isidore et Catherine se marie à Râches en 1906 à 18 ans. Sa sœur Louise se marie à Waziers en 1921 à 21 ans. Lors de ces deux mariages, Émile Garçon sera présent.

Je trouve un décès d’Émile Garçon à Wazier en 1934 sur les tables décennales, cependant les actes ne sont pas accessibles, et je n’ai pas retrouvé le décès de Catherine Marbotin, mais les tables s’arrêtent en 1942.

Conclusion

La lecture de cet article de journal de 1902 m’aura permis de me pencher un peu plus sur la vie d’Isidore Villarubias. Ainé d’une grande fratrie, il sera journalier toute sa vie. Il aura avec sa femme 10 enfants, dont seulement 2 filles survivront. Pour la dernière, sa paternité peut cependant être mise en doute… Il finira par être retrouvé mort au fond d’une mare à l’âge de 53 ans, après avoir disparu pendant 10 mois …

Cette vie peut nous sembler bien triste, et il reste de nombreuses zones d’ombre dans cette histoire :

  • Louise est-elle sa fille ou celle d’Émile ?
  • Pourquoi est-il surnommé Tio Soldat ?
  • Pourquoi allait-il travailler à Aniche ?
  • Comment est-il arrivé dans cette mare, et comment est-il mort ? Faut-il y voir une mort suspecte ? Sa femme, avec son décès, pouvait-elle se remarier plus vite avec Émile Garçon ?

Encore une fois, beaucoup d’interrogations sur la vie de ce cousin éloigné, il faudrait que je me penche sur les dossiers judiciaires puisque l’affaire a été porté devant le parquet, ce serait l’occasion pour moi de retourner aux archives départementales et d’y découvrir d’autres fonds.

Affaire à suivre …


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